J’ai une passion pour les lieux abandonnés. Il est une beauté dans le passage du temps. La superposition des papiers peints, la poussière sur une table de cuisine, un rideau autrefois choisi avec soin dans la brise, les machines industrielles en attente, la résonnance des lieux. Une histoire en suspens. Une certaine paix aussi. Les murs appellent au street art, autre symbole de l’éphémère. A Bruxelles, l’artiste Dennis Meyer s’est glissé dans les anciens bâtiments Solvay, dans le quartier d’Ixelles. Incroyable toile blanche ou page blanche qui deviendra roman, sous le nom de Remember, souvenir... Après tout, le street art, à l’origine n’était pas tant des peintures ou des messages à la Banksy mais des signatures, un travail sur les lettres.
Retour, donc, à la typographie. Parce que la police, la force d’un tracé content déjà une histoire. Un mot peut murmurer ou crier indépendamment de sa définition. Noir sur blanc, à l’infini. Des courbes, des lignes, des minuscules, des majuscules. Les mots se bousculent, s’épanouissent, explosent, dansent, parsemés de portraits, de croquis. Sur les murs, les plafonds, les cages d’escalier, les vitres. La peinture s’écaille, éclabousse parfois. Tout devient œuvre d’art. Une fenêtre un morceau, une porte, un creux dans le mur deviennent encadrement.
Blanc des murs, noir des lettres, lumière filtrant par les baies vitrées, zones d’ombres des couloirs. Le ciel, à l’extérieur, est de plomb, comme s’il faisait lien entre ces deux univers. Incroyable palette en deux teintes, Parfois un éclat de vert, les arbres extérieurs en transparence. Une seule pièce se fera arc en ciel, celles où des enfants sont venus peindre.
Mots émotions, mots coup de poing, mots d’espoir aussi. Les murs, les pièces s’enfilent. Etage après étage. 8 au total, 50.000m² de surface. Des mois de travail… Prénoms de ses enfants, d’amis, poème, paroles, pensées. L’impression de se promener dans l’esprit de l’artiste… Des mois de travail… L’oeuvre de Denis Meyer, malheureusement est vouée, condamnée à être détruite fin juillet. Les mots passent, les souvenirs restent… A voir, vite, pour se laisser bouleverser.
>> Remember Souvenir par Denis Meyer <<
>> 78 rue Keyenveld, Bruxelles <<
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